Gaspard avait accepté que Gala lui rende visite, juste avant qu’il ne se rende pour la première fois depuis des années à Belley et qu’il y prononce son discours d’investiture. A la vue de sa fille, il fut époustouflé, mais ne le montra pas. Cette jeune femme qui, il y a encore moins d’un an, avait déboulé chez lui en baskets, entre deux gardes à l’hôpital d’Aspen, arborait désormais un air presque sévère, juchée sur des talons aiguille et serrée dans un tailleur Chanel. Que s’était-il passé, depuis leur réunion, pour qu’ils soient tous deux si métamorphosés ?
- Merci, Gala. Je ne devrais pas le dire, pour éviter que ton égo soit trop flatté, mais c’est en grande partie grâce à toi si je suis élu. Quand tu es arrivée chez moi, et que j’ai vu qu’en plus d’avoir une fille cachée, celle-ci était engagée en politique et devenait un cadre de parti, je me suis dit deux choses. Tout d’abord qu’il doit y avoir chez nous des gènes de conquérants politiques. Ensuite que j’avais encore trop de regrets pour partir sereinement vers un autre monde. Le principal regret, c’est de n’avoir jamais réussi à devenir chef de gouvernement. C’est désormais chose faite.
Gaspard réfléchit dix secondes. Il pense à tous ceux qui lui avaient voulu du mal, qui avaient organisé sa chute politique.
- Ce n’est pas le moment, Gala. Beaucoup de chantiers m’attendent. Mais je comprends cette demande. Reparlons-en à la fin de mon mandat.
Salcedo resserra son noeud de cravate, prit son agenda sous le bras et se dirigea vers l’entrée de l’appartement.
- A bientôt, Gala. Ah, au fait, ce n’est pas parce que je suis ton père que tu ne peux pas me rentrer dedans à l’Assemblée… Je sais faire la part des choses.
Il ouvrit la porte de l’entrée et s’y engouffra, laissant Gala dans le salon. Ses gardes du corps et plus proches collaborateurs l’y attendaient.
Ils prirent l’ascenseur de l’immeuble, puis sortirent devant celui-ci sous les flashs des dizaines de photographes. Salcedo s’engouffra dans la DS7, qui démarra aussitôt, précédée d’une voiture et suivie par une nuée de journalistes à moto. Direction Belley. Gaspard, sur le trajet, versa une larme en pensant à sa fille et au temps perdu.